Ce vendredi soir, la place du Capitole est le théâtre d’un évènement peu coutumier. Un regroupement sous une seule et même bannière, de douze bandas, peñas ou fanfares régionales formera la « mégabanda » 2013... Il ne doit y avoir aucun signe ostentatoire d’appartenance au groupe d’origine. Nous portons donc tous la même tenue. Un jean bleu et un tee-shirt bleu ciel nous transforment d’un seul coup en joyeux schtroumpfs musiciens… Principe : A tour de rôle, chacun des groupes invités doit jouer deux morceaux de son choix. Les autres bandas peuvent se joindre ou pas à l’interprétation… Naïvement, à cet instant, je pense que nous allons être les acteurs d’une grande leçon de direction musicale et que, du même coup, Jean François Zygel devra se tenir à carreau… Mais avant l’évènement musical de cette « fête des voisins », l’heure est à la dégustation. Nous réservons un accueil extraordinaire comme seuls, nous les festayres , savons le faire quand il le mérite, au buffet qui s’offre à nos papilles à jeun depuis maintenant trop longtemps. Tout est saveur, abondance, qualité et beauté et… je dirais même plus… beauté, qualité, abondance et saveur. Une lignée impressionnante de préparations diverses, entoure un magistral jambon, produit universel, qu’il vienne de Bayonne ou de Lacaune, posé là, sur son piédestal royal et flanqué de l’ustensile obligatoire à sa dégustation… Avez-vous observé un schtroumpf devant un jambon ?…Le portrait est saisissant… Le musicien est calme, ordonné, silencieux, attentif, très attentif… Plus son tour approche, plus ses yeux brillent… Il s’assure en permanence que le morceau de pain qu’il tient dans la main sera suffisant pour recevoir la tranche qui, très bientôt, sera sienne… Son tour arrive enfin… D’un geste précis, la plaie progresse sans à-coup… Puis Il passe l’outil au suivant, par la droite s’il est droitier ou par la gauche dans le cas contraire et tout cela avec beaucoup de précautions, en partenaire attentif qu’il est naturellement… Peu de temps après, on devinera l’extase quand, la dent coincée dans une couenne récalcitrante il déclarera : « Putain qu’il est bon !... » Enfin ce buffet ne serait pas buffet s’il n’y avait pas du vin, et du bon et même qu’il était bio, parole de Gégé - pas moi, l’autre… Il est temps, maintenant, d’entrer en piste. Sur l’ordre de notre présidente je suis obligé de quitter la casquette noire des Bomberos pour cause d’anonymat. J’expose donc mon crâne dégarni dans les mêmes proportions que le déboisement de la forêt amazonienne à un zéphyr pas très chaud pour un 31 mai… Je constate très vite que des hélicons bariolés à l’effigie de leur groupe sont présents sans impunité…Que pèse la santé d’un clarinettiste âgé à côté de tels supports publicitaires… Mais l’ariégeois est magnanime…Argh !!... Philosophie quand tu nous tiens !... Je ne répète pas le principe du défi…Tout le monde a suivi ?...OK ! Un premier groupe de schtroumpfs se décale de quelques pas et commence le morceau qu’il a choisi… A cet instant commence le massacre… Tous les musiciens s’engouffrent dans le sillon musical qui vient de s’ouvrir, mais avec leur propre interprétation, leur propre rythme, leur propre tonalité…Une incroyable cacophonie prend corps. Les quelques partitions éclairées par ci, par là, donnent tout juste l’illusion d’un concert maitrisé… Je côtoie un petit schtroumpf trompettiste, très appliqué derrière sa lyre illuminée, attentivement surveillé par son papa qui semble apprécier les progrès de son concertiste préféré. Hélas le petit termine le morceau une poignée de secondes après le point d’orgue final… Les prestations se succèdent dans le même acabit… Enfin arrive notre tour. Jeannou est aux commandes. A nous, Bomberos, d’éteindre l’incendie… Le titre nous transporte en pleine forêt, face à un lion qui vit ses derniers moments… Aïe !... L’entame est bizarre. Qu’est ce que c’est que ce morceau ? Merde, je me suis encore trompé de partoch' ! Pourtant c’est bien « Le lion 3 » ! Peut-être qu’ils ont sorti le numéro 4 sans me le dire ! Impossible !!! Putain il faut que j’arrête le vin !!! Sauvé, je me raccroche enfin au refrain. Ouf ! Sauf que j’ai l’impression que nous avons joué 6 refrains pour un seul couplet. En fait je crois que je suis pommé, et heureux de l’être…Malgré un GPS défaillant, nous finissons ensemble sur l’ultime battement de Jeannou… Sauf que derrière, le lion, lui, n’en finit pas de mourir… A peine plus tard nous repassons sur un « On est là pour s’amuser » et là, sur un ton rageur, voire dictatorial (et oui, parfois ça commence comme ça…) Jeannou impose la note finale, et, miracle, plus aucun schtroumpf ne bronche. Etait-ce le hasard ou la brillance du gamin ? Un débriefing s’impose ! Peut-être troublé par ces enchevêtrements de notes, l’organisateur nous regroupe tous sur un carré de moquette verte, terrain de jeux synthétique où apparemment d’autres défis ont été relevés dans la journée. Nous formons maintenant un groupe compact, toujours bleu évidemment. Nos regards sont tous tournés vers le même chef. Nous sommes tous très attentifs à l’annonce du Vino Griego. Le morceau est universel, connu par tous et apparemment écrit dans une version unique. Les repères nous sont donc communs à tous…Nous sommes redevenus sérieux. La première note est donnée par les hélicons et tout s’enchaine, suffisamment précis, suffisamment harmonieux et pour une fois très audible…Tiens donc, ne serions-nous pas sur la bonne voie. Sur le coup je me revois devant le jambon… Aurions-nous trouvé les clés d’une direction musicale convenable ? Pour le savoir, un érudit a dû penser que, à ce moment précis, il fallait retrouver des contre exemples pour valider la démonstration, le fameux CQFD… Chassez le naturel et… vous connaissez la suite. Nous voilà refoulés de chaque côté de la moquette. Une étrange partie de baby-foot humain mélangée à du rugby à 7 se joue devant nous. Personnellement j’ai du mal à saisir les règles. Le fait est que les joueurs courent dans tous les sens, ballon de rugby tantôt en mains, tantôt au pied, enfin bref, désordre total. Décidément il y a des soirs comme ça… Les schtroumpfs quant à eux sont sur l’Encantada. Beaucoup réalisent qu’il faut enfin s’y mettre mais le morceau a déjà commencé depuis quelques mesures… Le calvaire recommence. Pardon monsieur Maffrand d’avoir participé à cette démolition mais c’était juste pour vérifier ce qu’il ne faudra plus faire... La représentation touche à sa fin. Les unes après les autres les bandas sont remerciées chaleureusement. Un speaker fatigué fait venir les Bomberos de Gagnac et non de Ganac. Au fait, monsieur le Maire, n’y aurait-il pas, Bel et bien, motif de plainte au Sénat pour « atteinte à la fierté ariégeoise » ?... Nous quittons l’étoile occitane et son écrin de lumière rose pour retrouver enfin nos oripeaux identitaires. La soirée touche à sa fin. Nous nous quitterons avec de merveilleux petits beignets à la pomme qui scelleront à jamais une intendance en tous points remarquable. A très bientôt.
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