Nous voilà réunis, en cette fin de matinée d'automne, dans ce petit coin d'Ariège pour rendre un hommage particulier à ceux qui, il y a cent ans, sont entrés malgré eux dans un conflit qui allait devenir pendant quatre longues années une extraordinaire boucherie mondiale...
Afin de donner un caractère original à la commémoration, alors même que les historiens ne manqueraient pas de nous proposer une couverture médiatique abondante sur cette période douloureuse, monsieur le maire et ami, Pierre Ville, nous proposa de relever un défi musical à la hauteur de l'évènement...
Très vite le choix s'est porté sur une chanson souvent chantée par les poilus à la gloire d'une jeune et gentille serveuse enjuponnée répondant au joli prénom de Madelon..
Le challenge validé, nous devions consacrer les répétitions nécéssaires pour présenter l'oeuvre de Camille Robert, adaptée au rythme militaire par Gabriel Allier, dans des conditions exceptionnelles d'interprétation...
Le morceau prendra donc une place particulière dans le répertoire que nous présenterons...
Mardi 11 novembre, 11 heures 30...
La matinée ensoleillée contredit une météo pluvieuse prévue pour la journée...
Rassemblés assez tôt autour de notre chef Pascal, nous procédons à d'ultimes raccords...
Nous mémorisons le défilé et notre placement devant le monument aux morts...
Comme dernière répétition, nous enchaînons, à l'écart, le répertoire dans l'ordre où nous le présenterons dans quelques minutes...
Sous les conseils rassurants de François, Colette parvient à asservir une série de doubles croches jusque là indomptables...
Concentrés sur l'ouvrage, nous donnons enfin le top départ de la cérémonie, depuis la mairie jusqu'à la place du village...
Tout en terminant notre premier morceau nous prenons notre place définitive dans un mouvement régulier, résultat d'une mise en scéne travaillée...
Le caractère solennel de la cérémonie empêche toute manifestation bruyante à notre égard...
Nous faisons face à un détachement de soldats du 1er RCP de Pamiers, toutes médailles dehors témoignage d'un état de services déjà impressionnant pour de si jeunes carrières...
Accompagnés de jeunes enfants les élus déposent une gerbe de fleurs multicolores sur le marbre gris du monument... Vient après la lecture du message officiel de la République..
Encouragés par leur maîtresse, des écoliers égrennent le nom des Ganacois "morts pour la France"...
Puis,avec les lettres du mot "guerre", les enfants délivrent des messages de paix...
Nous retiendrons tous R comme " Regrets" ou encore E comme "Espérance"...
La minute de Pascal et de Richard... Dans un profond reccueillement intervient la sonnerie aux morts interprétée par Richard,à la trompette et par Pascal à la caisse claire...
Un roulement de tambour amorce un crescendo impressionnant qui vient se fracasser sur quatre notes sèches, une détachée et trois groupées, pareilles au tir d'une arme automatique...
La sonnerie démarre à cet instant précis, appuyée, claire, régulière, transperçante...
Richard ne tremble pas...
Je suis derrière lui...Je ferme les yeux....Pourvu que cette satanée note passe...Ouf! ...C'est fini!...
J'ai envie d'exploser...
A peine remis, nous enchaînons avec une "Marseillaise" d'école, une Marseillaise référence...
"Sous la tonnelle, on frôle son jupon..." Arrive enfin le moment qui doit consacrer un projet musical bâti par une bande de copains, depuis celui qui en a eu l'idée jusqu'à ceux qui, avec leurs tripes, l'ont fait et le feront vivre longtemps...
Sur une mesure à blanc, Pascal nous rappelle le tempo, puis regagne sa place...
Voilà c'est parti pour quatre minutes de bonheur...Tout passe...
Le "trio" , magnifique composition, est remarquable.. .
La reprise tombe pile, le tempo, que l'on aurait pu perdre, est toujours là, régulier... Tout repart ainsi jusqu'à la note finale...
Voilà!...Nous venons d'offrir la Madelon aux Poilus de 14-18...
A cet instant, je me revois sur les genoux de mon grand-père, écoutant l'orchestre Jean Bentaberry, juste après "la minute de Saint Granier", que nous restituait le vieux poste Continental Edison sur l'antenne de Radio Toulouse...
Accompagné des principaux animateurs de la Communauté des communes locale, Pierre nous félicite et nous remercie chaleureusement...
Nous devinons beaucoup d'émotion dans ses paroles et comprenons très vite qu'il y aurait de retantissantes prolongations... Nous mettrons un terme à cette cérémonie en regagnant la salle des fêtes sur l'air de "Mondragon" entrainant une foule sincèrement ravie de cette parenthése consacrée entièrement au souvenir de nos aieuls
partis un jour de 14, la fleur au fusil, persuadés qu'en quelques jours ils renverraient les "pointus" chez eux sans savoir qu'ils allaient connaître l'enfer sans l'avoir mérité...
Nous nous retrouvons tous autour du verre de l'amitié, dans une ambiance conviviale que nous maintiendrons au son de quelques nouveaux morceaux, au doigt et à l'oeil de notre chef Pascal que j'ai rarement vu aussi heureux qu'aujourd'hui...
A bientôt en terre languedocienne pour fêter d'autres barbus... Gégé |
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